5.1.13

Anne-Emmanuelle




"Le jour de l'arrivée des soucoupes"

Ce jour-là, les soucoupes atterrirent.
Parcentaines, dorées, Silencieuses, tombant du ciel
tels de gros flocons de neige, Et les peuples de la
Terre se levèrent et
les contemplèrent tandis qu'elles descendaient,
Attendant, bouche bée, d'apprendre ce qu'elles
renfermaient,
Nul ne sachant si nous serions encore là demain,
Mais tu n'as rien remarqué car

Ce jour-là, celui de l'arrivée des soucoupes, par
coïncidence,
Fut aussi le jour où les tombes rendirent leurs
morts,
Et les zombis remontèrent à travers la terre
meuble
ou fusèrent, le pas traînant, les yeux vitreux,
inexorables,
Ils vinrent vers nous, les vivants, qui hurlions et
fuyions,
Mais tu n'as rien remarqué car

Le jour des soucoupes, qui fut le jour des zombis,
ce fut
Aussi Ragnarok, et nos écrans de télévision nous
montrèrent
Un vaisseau composé d'ongles de morts un
serpent, un loup,
Tous plus imposants que ne pouvait l'assimiler
l'esprit,
trop pour que le cameraman pût
Prendre assez de recul, puis les dieux en sortirent,
Mais tu ne les as pas vus surgir car

Le jour des soucoupes-zombis-dieux guerriers,
ce jour-là, les barrières se rompirent
Et chacun de nous fut submergé par génies et
lutins
Nous offrant des vœux, des merveilles et des
éternités
Et le charme et l'intelligence et de braves
cœurs honnêtes et des jarres d'or,
Tandis que des géants gnifgnafgnoufaient dans
tout
le pays, et des abeilles tueuses,
Mais tu ne t'en doutais pas le moins du monde
car

Ce jour-là, jour des soucoupes, jour des zombies,
De Ragnarok et des lutins, le jour
où se déchaînèrent les tempêtes
Et la neige, où les villes se changèrent en cristal,
le jour
Où moururent les plantes et fondirent les
plastiques, le jour
Où les ordinateurs nous trahirent, leurs écrans
nous intimant
l'ordre de leur obéir, le jour où des
Anges ivres et désorientés titubèrent hors des bars
Et où toutes les cloches de Londres furent
sonnées, le jour
Où les animaux nous parlèrent assyrien, le jour du
yéti,
Le jour des capes virevoltantes et de l'arrivée
de la Machine à Explorer le Temps,
Tu n'as rien remarqué de tout cela car,
assise dans ta chambre, tu ne faisais rien du tout,
tu ne lisais même pas, pas vraiment, tu
contemplais juste ton téléphone
en te demandant si j'allais t'appeler.


Neil Gaiman, Le jour de l'arrivée des soucoupes
in Des choses fragiles










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